commentaire composé: la Princesse de Clèves, Mme de La Fayette, Le portrait volé, le portrait dérobé
Possibilités de problématiques pour cet extrait:
- Quelles sont les caractéristiques de ce portrait?
- En quoi cet extrait montre que Mme de La Fayette est à la fois une romancière et une moraliste?
- Comment Mme de La Fayette fait-elle le portrait de l'âme humaine à travers le portrait de la Princesse de Clèves?
I) Mme de La Fayette romancière
On retrouve dans cet extrait les caractéristiques du roman de Mme de La Fayette, un roman galant et illustrant la préciosité
a) la construction narrative = on retrouve les 5 étapes du schéma narratif / moment de "l'après-dîner" = propice aux confidences
b) les personnages = personnages galants. Références à la littérature courtoise du Moyen-Âge. Mme de Clèves apparaît comme la "belle dame sans merci" "ordonna"/ "obei", inaccessible. Le Duc de Nemours est le chevalier qui doit être animé du "fine amore" et réussir une épreuve pour espérer l'amour de sa Dame. Il doit faire preuve d'audace "ce que j'ai osé faire". L'amour est pur et la femme idéalisée (seulement à moitié dévoilée derrière ce rideau)
c) le thème de l'amour = La Préciosité (mouvement du milieu du 17ème siècle qui privilégie le discours sur l'amour dans un langage raffiné et sophistiqué): adverbe "tendrement" (référence à la carte de tendre de Mlle de Scudéry), utilisation de litotes "Mme de Clèves n'était pas peu embarrassée" pour désigner l'amour de manière allusive, complexité des tournures "il pensa qu'il n'était pas impossible qu'elle eut vu ce qu'il venait de faire" : enchâssement de trois propositions subordonnées symbolise la complexité de l'âme humaine, le labyrinthe de l'âme, le chemin fait de détour (on pense encore à la carte de tendre)
II) L'illusion théâtrale
a) indications scéniques = respect des règles théâtrales (unité de lieu "chez elle, dans ce même lieu"/ unité de temps "ce jour-là"/ unité d'action : le portrait dérobé)/ éléments propres au théâtre: le rideau, la précision de l'emplacement des objets et de certains personnages "contre la table" "au pied du lit", comme s'il s'agissait d'une mise en scène + imparfait pour renforcer l'aspect descriptif
b) situation théâtrale = certaines phrases ressemblent à des didascalies "Mme la Dauphine était assise sur le lit et parlait bas à Mme de Clèves"+ ressort propre au théâtre: mari/femme/amant comme l'atteste cette pensée du Duc de Nemours "il ne put résister à l'envie de le dérober à un mari qu'il croyait tendrement aimé"
c) le jeu de scène: la scène semble silencieuse. Seule la Dauphine parle tout à coup "tout haut". Mme de Clèves devrait lui répondre mais ne le fait pas. Cela crée un décalage comme on pourrait en trouver au théâtre.
III) Mme de La Fayette moraliste
Le moraliste est celui qui peint le coeur et la psychologie humaine afin de mieux percevoir les moeurs de son époque. Parmi les moralistes du 17ème siècle on peut penser à La Fontaine, Molière, Bossuet, La Bruyère ou encore La Rochefoucauld)
a) l'esthétique du miroir = le thème du faux-semblant . 2 portraits sont faits de Mme de Clèves et tout cet extrait fonctionne sur un effet de miroir et d'échos. On retrouve le champ lexical du regard/ certains mots sont volontairement polysémiques "tout le monde dit son sentiment" (sentiment = pensée et émotion)/ champ lexical du regard (on pense aux Ménines de Velasquez)
b) le miroir comme procédé de la peinture de la nature humaine: opposition entre l'être et le paraître (cf les nombreuses antithèses: "il ne laissait échapper...sans laisser..." "il en serait devenu...quand il ne l'aurait pas été...." "une faveur qu'il lui pouvait faire sans qu'il sut...")
c) vision janséniste (morale catholique du 17ème siècle qui prône une vie austère et rigoriste): 2 champs lexicaux opposés: le champ lexical de l'amour et le champ lexical de la raison (ce dernier semble d'ailleurs l'emporter par sa présence dans cet extrait)