bac français: commentaire composé Les lettres Persanes de Montesquieu
Je vous propose de découvrir un extrait des Lettres Persanes de Montesquieu. Il s'agit d'une critique de la mode.
Montesquieu (1689-1755) est un écrivain et philosophe français. Il fait partie du courant des Lumières, des auteurs et des penseurs ayant permis d'ouvrir la réflexion sur les modèles sociaux de l'époque. Montesquieu est connu notamment pour ses ouvrages: De l'esprit des lois (essai) et Lettres persanes (roman épistolaire fictif)
La stratégie de Montesquieu, dans Lettres persanes, c'est de faire dialoguer deux seigneurs persans, Rica et Usbeck, voyageant en Europe, avec leur ami Rhédi, resté en Perse. Les travers des sociétés européennes vont être dénoncés par le truchement de l'étranger qui s'étonne de tout ce qu'il voit et expérimente.
Ainsi, nous nous demanderons comment le recours à la lettre fictive permet à Montesquieu de faire passer son message.
(Vous trouverez l'extrait qui fera l'objet de notre étude ci-dessous).
montesquieu-lettre-xcix.pdf (190.08 Ko)
La lettre
- Les indices de la lettre: informations sur l'émetteur, le destinataire, lieu, époque
- utilisation de la deuxième personne
- l'auteur de la lettre est étranger (calendrier différent et mention "les Français"). Il nous parle des Français "ils" et nous cite des exemples de situations auxquelles il a assisté "une femme", "le fils".
- le thème de la lettre concerne essentiellement la mode (champ lexical dominant à relever)
Une critique sociale apparente
- Dès le début de la lettre, Rica refuse de décrire la mode française en invoquant le fait que son travail serait inutile "Que me servirait...tout serait changé"
- La mode est vue comme un véritable caprice "caprices de la mode" . Tout d'abord, la mode est perçue comme une lubie, une volonté soudaine de changement "Les architectes ont souvent été obligés de hausser, de baisser, d'élargir leurs portes...et les règles de leur art ont été asservies à leur fantaisie". Ensuite, Rica insiste sur le fait que la mode n'est que pure fantaisie (début du 4ème paragraphe). Rica fait également référence à une autre définition du mot "caprice" puisqu'un "caprice" est une oeuvre de peinture ou une gravure qui met en scène l'imagination. C'est ainsi qu'il nous parle (3ème paragraphe) d'une femme dont le portrait ne peut être reconnu par son propre fils qui la prend pour une "Américaine".
- De nombreuses antithèses et des hyperboles viennent appuyer cette critique sociale. Elles mettent en valeur l'aspect éphémère et futile de la mode (4ème paragraphe) ainsi que le non sens d'une telle pratique.
Une critique dissimulée
- Dans le dernier paragraphe, Rica laisse entendre la critique et l'objet véritable de cette lettre par le biais d'une comparaison "il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les Français changent de moeurs selon l'âge de leur Roi". Rica dénonce donc ici une société qui a des pratiques infantiles et immatures faisant écho au comportement de leur Roi (Louis XV alors âgé de 7 ans !).
- La critique apparaît dans la dernière partie de la lettre lui donnant un caractère satirique. L'enchaînement "Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour, la cour à la ville, la ville aux provinces" montre comment une idée se diffuse sans qu'elle ne soit pleinement réfléchie. Ce n'est pas le Prince qui dirige les Provinces. Son comportement provoque des affects chez les membres de la cour qui les répercutent sur le peuple "l'âme du souverain est un moule" et non pas sa pensée.
- Le but de cette lettre est avant tout satirique puisqu'on retrouve ici une critique du pouvoir de l'époque. Le caractère changeant de la population, qui semble agir de manière totalement insensée, le manque de stabilité et l'impossibilité d'inscrire une vision dans sa durée "une femme qui quitte Paris pour aller six mois à la campagne revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans" permettent à Montesquieu de critiquer cette jeune royauté, qu'il juge fragile et surtout inutile "Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris". La présence de la subordonnée de condition fait comprendre au lecteur que ce n'est pas la vision du Roi de toute évidence.